L’accent sera mis sur l’éducation-formation et le foncier dans le cadre du Compact II de la MCC

En fin de période d’exécution du Compact I, 98% des ressources financières étaient engagées et 96% décaissées. Un fonds destiné à financer la création de nouveaux instituts de formation professionnelle en partenariat public-privé...

Déclaré éligible dès 2013, le Maroc est en train de négocier un deuxième compact avec les Etats-Unis. Le premier était doté d’une enveloppe de 697,5 millions de dollars, soit près de 7 milliards de DH. Ce programme signé en 2007 et bouclé cinq ans plus tard portait sur 6 projets (arboriculture fruitière, pêche artisanale, artisanat et médina de Fès, alphabétisation fonctionnelle et formation professionnelle, services financiers-microcrédit, soutien à l’entreprise).Abdelghni Lakhdar, conseiller du chef du gouvernement et coordonnateur national du Compact II, revient sur les réalisations du premier programme et fait le point sur les discussions en cours.

L’éligibilité du Maroc à un deuxième programme de coopération (Compact II) avec «Millenium Challenge Corporation» des Etats-Unis (MCC) a été confirmée en décembre 2014. Quel sens donnez-vous à cette confirmation ? 

Selon les procédures du MCC, une fois qu’un pays est déclaré éligible sur la base d’un certain nombre de critères, il doit maintenir son éligibilité tout au long du processus de préparation du Compact. C’est ainsi que depuis que notre pays a été déclaré éligible en 2012, il a pu maintenir cette éligibilité en 2013 et 2014, ce qui est une reconnaissance des efforts déployés par le gouvernement pour améliorer les performances du pays en matière de climat des affaires, de gouvernance, de qualité de la réglementation, etc. Il faut également voir dans cette confirmation la reconnaissance de la stabilité de notre pays et des avancées réalisées en termes de droits de l’Homme et de démocratisation, la marque de la qualité des relations séculaires qui unissent le Maroc et les Etats-Unis, mais aussi la reconnaissance de la réussite du premier Compact exécuté entre 2008 et 2013 et qui avait porté, rappelons-le, sur 697,5 millions de dollars.

Justement, à propos du premier Compact, certains chantiers n’avaient pas été clôturés à temps. Entre 70 et 80 contrats étaient par exemple restés ouverts. Où en est-on aujourd’hui ? 

 

En fin de période d’exécution du Compact I, 98% des ressources financières étaient engagées et 96% décaissées, ce qui montre que l’essentiel du Compact était largement exécuté à temps. Cette performance a d’ailleurs été saluée par nos partenaires américains. Notre pays est ainsi aujourd’hui considéré comme un exemple d’inspiration pour les autres pays éligibles. Pour ce qui est des contrats non clôturés, cela concernait, pour l’essentiel, des contrats portant sur des infrastructures achevées et des équipements acquis mais dont la période de garantie ne s’était pas totalement écoulée à mi-septembre 2013, date de clôture du Compact. Les entités d’exécution de ces contrats devaient alors examiner la conformité des livrables aux cahiers des charges au terme de la période de garantie et prononcer leur réception définitive. Ces entités devaient, selon le plan de clôture du Compact, continuer à respecter les mêmes normes et procédures convenues avec MCC. Aujourd’hui, le processus de réception définitive des contrats suit son cours normal selon la durée de garantie qui varie de 1 an pour les travaux à 3 ans pour les équipements techniques à caractère complexe.

Afin de préparer le contenu du Compact II, la Banque africaine de développement (BAD), en coopération avec le gouvernement marocain, a planché sur une analyse des contraintes à la croissance économique du pays. Quelles ont été les recommandations issues de cette analyse ?

 

A la demande du gouvernement et de MCC et en parfaite collaboration avec eux, les experts de la BAD ont réalisé une étude sur les contraintes à la croissance économique au Maroc et ce, en vue de déterminer celles sur lesquelles le MCC pourrait intervenir afin de les lever ou d’en atténuer les effets. Cette étude a identifié les principales contraintes suivantes : la faiblesse du capital humain et son inadéquation avec les besoins des entreprises ; la difficulté d’accès au foncier par les entreprises ; la lenteur du système judiciaire et de l’exécution des jugements; la perception de la fiscalité par les entreprises en termes de poids et de cohérence globale; la rigidité relative du marché de l’emploi à l’embauche et au licenciement. L’analyse a également mis en lumière la faiblesse de la coordination stratégique entre les différents acteurs publics et privés. Les contraintes ainsi identifiées par l’étude réalisée par la BAD ont en outre été confirmées par deux analyses complémentaires faites par les services du chef du gouvernement sur les opportunités d’investissement pour le secteur privé et sur les inégalités sociales et de genre. 

 

 

Sur lesquelles de ces contraintes le gouvernement et le MCC ont-ils décidé de concentrer l’action du Compact II ?

 

Dans un souci d’efficacité, le gouvernement et le MCC ont convenu de ne pas s’attaquer à l’ensemble des contraintes identifiées mais plutôt de se concentrer sur un ou deux projets afin de produire le maximum d’effets sur la croissance économique. C’est ainsi qu’après plusieurs analyses et concertations, les deux parties ont choisi deux secteurs particulièrement complexes et stratégiques dans la mesure où ils ont un impact certain sur les autres secteurs : il s’agit de l’éducation et de la formation, d’une part, et du foncier d’autre part.  
  

Commençons d’abord par le secteur de l’éducation et de la formation : quels sont les grands axes sur lesquels vous travaillez avec le MCC ?

 

Le projet que nous avons appelé «Amélioration de la qualité du capital humain» vise, pour l’essentiel, l’amélioration de l’employabilité des jeunes Marocains à travers le rehaussement de la qualité et de la pertinence de la formation professionnelle et de l’enseignement secondaire. Ces deux segments du système de l’éducation et de la formation sont directement ou indirectement liés au marché du travail. L’axe de la «formation professionnelle» a pour objectif d’améliorer sa qualité et d’aboutir à une meilleure adéquation avec les besoins du secteur productif. Pour cela, un fonds destiné à financer la création de nouveaux instituts de formation professionnelle en partenariat public-privé et la reconversion de certains établissements de formation professionnelle, aujourd’hui gérés par des entités publiques, en établissements gérés en partenariat public-privé, sera mis en place. L’expérience dans notre pays et dans le monde a largement démontré que la qualité de la formation professionnelle est intimement liée à l’intervention de l’entreprise à tous les niveaux du processus de formation professionnelle. Le fonds financera également la création ou le renforcement des agences d’intermédiation en matière d’emploi. La composante «Formation professionnelle» apportera, en outre, un appui institutionnel à la politique publique en matière de formation professionnelle. 

Nous sommes, également, en discussion avec la partie américaine pour voir dans quelle mesure elle pourrait nous appuyer pour la mise en place et l’opérationnalisation d’un système national d’observation du marché du travail qui nous permettra, entre autres, de déterminer les besoins en formation et de suivre leur évolution.

A propos du fonds, les services du chef du gouvernement ont lancé un appel à manifestation d’intérêt. Quels sont les objectifs de cet appel ?

 

Cet appel a, en effet, été lancé le 23 février et clôturé le 17 avril 2015. Ses objectifs sont essentiellement de mesurer l’intérêt pour ce fonds parmi les institutions publiques et privées intervenant dans le secteur et de recueillir des idées pour nous permettre de paramétrer le fonds au niveau des conditions d’accès, des montants de financement par types d’opération, etc. Nous allons examiner, dans les prochains jours, les idées de projets qui nous ont été soumises et nous en tirerons les conséquences qui s’imposeront, sachant qu’il ne s’agit pas, à ce stade, de sélectionner des projets pour financement immédiat. Cette étape interviendra l’année prochaine après l’entrée en vigueur du Compact.

Concernant la composante «Education», pourquoi a-t-on choisi de travailler sur l’enseignement secondaire et non sur l’ensemble du système éducatif ? 

 

Il y a toujours ce souci de concentration de l’intervention sur un segment au lieu de disperser les efforts sur plusieurs domaines. Or, l’enseignement secondaire est une phase clé pour la qualité de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle. Il convient de rappeler qu’une proportion non négligeable des élèves du secondaire abandonne, pour une raison ou une autre, leurs études à ce niveau et se présentent sur le marché du travail sans passer ni par la formation professionnelle, ni par l’enseignement supérieur. Pour améliorer la qualité de l’enseignement secondaire, l’idée est de contribuer à la modernisation des établissements secondaires existants (collèges et lycées) à travers la rénovation d’infrastructures physiques, si nécessaire, et l’implémentation de nouveaux modèles de management et d’innovation pédagogique. Cette modernisation passera, entre autres, par le renforcement de l’enseignement des langues, des sciences et des technologies et des autres activités développant les soft et life skills, ainsi que par le renforcement des capacités des élèves à apprendre de façon autonome. Cette modernisation ne pourra être possible que si l’autonomie de gestion administrative et financière des établissements est effective. Tout cela sera pris en charge par le Compact, mais il importe de savoir qu’il ne concernera pas l’ensemble du Royaume, mais plutôt deux à quatre régions selon l’enveloppe qui sera allouée à notre pays. Il convient, enfin, d’insister sur le fait que les actions prévues au titre du projet d’amélioration de la qualité du capital humain s’intègrent parfaitement dans les priorités arrêtées par le gouvernement et sur lesquelles il y a un consensus général. 

Le deuxième axe du prochain Compact concernera le foncier. Pouvez-vous en décrire les principaux éléments ?

 

Le projet «Amélioration de la gouvernance et de la productivité du foncier» a l’ambition d’apporter des solutions appropriées à la problématique du foncier en agissant sur les causes profondes les plus importantes à travers ces deux composantes : «l’Appui à l’amélioration de la gouvernance et de la régulation du foncier» et «l’Appui à l’augmentation de la productivité du foncier». La première activité a pour finalité la revue du cadre juridique, institutionnel et incitatif dans le secteur, tandis que la seconde activité s’attache à l’amélioration de la productivité du foncier aussi bien industriel que rural. L’intervention au niveau du foncier industriel a pour objectif la création de nouveaux parcs industriels et la revitalisation de parcs existants en adoptant un nouveau modèle combinant l’investissement dans les infrastructures de base, les infrastructures sociales et le capital humain et en adoptant un nouveau mode de gestion à même de garantir la valorisation pérenne de ces espaces d’accueil et leur attractivité. L’action à mener au niveau du foncier rural vise, quant à elle, la transformation de la propriété des terres collectives dans l’indivision situées dans les périmètres irrigués en propriétés individuelles au profit des ayants droit (Melkisation) de façon à garantir aux exploitants de ces terres les conditions de sécurité et de stabilité nécessaires au développement des investissements et, par là, à l’intensification des cultures. 

Comment se passent vos discussions avec la partie américaine et à quel horizon pensez-vous que le Compact sera fin prêt pour exécution ?

 

Les travaux de préparation du Compact sont intenses. Nous avons, au sein des services du chef du gouvernement, une équipe d’une quinzaine de hauts cadres qui travaillent, à temps plein, avec les ministères concernés et les experts de MCC, et en concertation étroite avec les autres parties prenantes concernées par le projet, y compris le secteur privé, la société civile, et parfois la population qui serait directement impactée par certaines activités du projet. Les discussions se passent dans d’excellentes conditions. En ce qui concerne l’achèvement de la phase de préparation du Compact, il est prévu que la définition des projets soit finalisée vers le mois de juin 2015 et que le Compact soit signé le dernier trimestre 2015, après la négociation des termes et conditions de son exécution, y compris son mode organisationnel de gestion. Par la suite, nous entrerons dans une phase d’approbation par les autorités des deux pays en vue d’une entrée en vigueur au deuxième semestre de 2016. 

Jusqu’à présent, nous avons évoqué tous les aspects du Compact sauf le montant des ressources qui seront allouées au Maroc. Peut-on avoir une idée sur le montant qui pourrait être alloué au Maroc par le MCC ?

 

Je dois vous dire que pour le moment, aucune enveloppe n’a encore été arrêtée. Cependant, nous croyons savoir que le budget à accorder à notre pays sera substantiel mais inférieur à celui du Compact I, eu égard au niveau de développement atteint par le Maroc et au budget alloué par le MCC à la catégorie des pays à revenu intermédiaire à laquelle appartient notre pays.

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